Otar Iosseliani : " Sans optimisme, on ne fait rien"
VIDEO | 2016, 19' | Venu de Géorgie après s'être heurté à la censure soviétique, Otar Iosseliani n'est pas homme à1
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Tableau attentif et minutieux des mille instants de la vie quotidienne d'un village géorgien, troublé par l'arrivée des citadins, musiciens de passage...
La vie quotidienne d’un petit village (kolkhoze) de Géorgie est troublée par l’arrivée de quatre musiciens à cordes venus de la ville. Une chronique intimiste et impertinente, pleine de vie et d’humour dans un esprit Nouvelle vague, qui fut interdite par la censure pendant longtemps.
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" Tourné en 1975, Pastorale nous arrive aujourd’hui, après bien des difficultés dont un blocage à l&
" Tourné en 1975, Pastorale nous arrive aujourd’hui, après bien des difficultés dont un blocage à l'exportation stupide et scandaleux. Il faut rappeler que iosseliani est géorgien, et l’autonomie dont fait preuve la Géorgie (qui est un peu l’équivalent russe de notre midi méditerranéen), la fantaisie et la liberté de son cinéma inquiètent sans doute les bureaucrates chargés de veiller sur le réalisme socialiste de l’art officiel. Mais rien ne peut justifier qu’on ait refusé ce film à tous les festivals internationaux et que son auteur ait dû se battre en URSS même pour le faire projeter, ne serait-ce qu’à Moscou...
Quoi qu’il en soit, grâce à « l’action incessante, courtoise et efficace de la presse » (sic), on peut enfin le voir en France après une première projection en clôture du festival d’Hyères. Et il faut s’en réjouir ! Parce que c’est l’un des films les plus beaux et les plus purs que l’on ait vus depuis longtemps.
Pastorale est de ces films qui semblent n’avoir pas de sujet quand ils en ont mille. L’anecdote est d’une simplicité exemplaire : quatre musiciens venus de la ville passent quelques jours dans un village perdu de haute montagne afin d’y répéter au calme.
C’est tout, et c'est admirable. Tout le temps que durent les répétitions, nous participons à la vie du village, et plus particulièrement à la vie de la famille qui loge les musiciens et où cohabitent trois générations de paysans. La caméra est partout, elle surprend des bribes de conversation, ne s’attarde nulle part, s’arrête sur les gestes les plus quotidiens avec une sorte de volonté de tout saisir du réel sans la moindre emphase : on fait la toilette des enfants, on creuse des rigoles après la pluie, les femmes font le pain, les adultes sont aux champs, on construit un mur... Il y a constamment à voir et à s'émerveiller. C’est la vie même qui se dérouie devant nous en prenant une rare densité poétique sous le regard de Iosseliani.
Et ii s’en passe des choses dans ce village géorgien. Un peuple chaleureux, pauvre mais digne et fraternel, y vit paisiblement. On se dispute souvent, mais on fait front devant les autorités, sans hésiter à faire quelques entorses à la loi. Le chauffeur du kolkhoze est, par exemple, accusé d'utiliser le camion de la communauté à des fins personnelles. Plus loin, c’est un vieillard qui chaparde le foin du champ voisin.
Par petites touches, c’est toute une culture que nous dépeint Iosseliani à travers les pratiques millénaires de la région, lentement gagnée par le modernisme : une vieille paysanne sulfate les vignes tandis qu’au loin on déverse l’engrais par avion. Un fonctionnaire pêche carrément aux explosifs avec la complicité du garde champêtre. Ainsi que le déclare l’auteur, la culture géorgienne disparaît, petit à petit, et la fonction de l’artiste est de tout fixer avant que tout ne soit oublié. On voit ainsi les musiciens enregistrer sur bande magnétique des airs folkloriques chantés par les vieux du village.
Mais Pastorale contient d'autres moments miraculeux. C'est la réconciliation pudique de deux amis qui se sont disputés sous l’emprise de l'alcool. C’est le calme feutré que provoque le brait apaisant d’une soudaine averse. Ou encore la rencontre muette de deux univers à un passage à niveau où s’arrêtent un train rempli de citadins et un camion qui mène les paysans vers les champs.
A chaque fols, l’art de Iosseliani éclate dans cette façon de ne rien souligner en disant tout, aidé par une partition sonore exemplaire. En tournant délibérément son film dans la langue mingrébienne (un dialecte qui est compréhensible en URSS par moins de 500 000 personnes), il a obtenu du langage même des sonorités qui, associées aux bruits les plus divers (frémissement de la nature, des plantes, des insectes, cris de la basse-cour, chansons que l'on entend au loin) nous restituent le tempo musical de la vie.
Quand les musiciens repartiront, le village continuera sa vie comme avant. Seule une adolescente aura changé. Après les avoir servis, avoir partagé leurs promenades, assisté à leurs répétitions, elle aura ouvert les yeux sur un autre univers et ne sera plus la même. Après La Chute des feuilles et Il était une fols un merle chanteur, Iosseliani confirme qu'il est l’un des grands cinéastes soviétiques du moment."
" Certes, il n’y a pas d’histoire dans Pastorale. Pas de drame. Tout est construit sur l’observation gén&eacu
" Certes, il n’y a pas d’histoire dans Pastorale. Pas de drame. Tout est construit sur l’observation généreuse, passionnée, de la vie d’une bourgade à la belle saison. C’est une mosaïque savante de menus événements qui ne sortent jamais de la banalité du quotidien. Point de lyrisme moissonneur à la Dovjenko, point d’exaltations ukrainiennes. Mais une patience acharnée à capter le geste juste, le détail trivial dont on va mettre la beauté et la noblesse en évidence, l’attitude qui révélera un personnage mieux qu’un longue analyse psychologique. Chez Iosseliani, le lopin de terre remplace la vaste plaine, la flaque d’eau le fleuve immense, le sourire et la banalité de la conversation matinale le long discours analytique.
Evidemment, le kolkhoze iossélianien n’a rien d’un modèle qu’on puisse proposer aux pays qui n’ont pas encore reçu les bienfaits de la collectivisation. L’esprit de débrouillardise, l’individualisme plus ou moins chapardeur et le manque d’organisation n’en sont pas bannis. On voit bien que sur des structures ancestrales auxquelles les régimes politiques ne peuvent rien (l’alternance des saisons, du beau et du mauvais temps, du jour et de la nuit, le glissement de l’énergie du jeune âge à l’apaisement de la vieillesse), ses membres continuent d’improviser leur quotidien en se référant à des traditions qui ne sont pas toujours conscientes ou en se laissant aller tout bonnement à la plus douce pente de leur nature. Peut-être faut-il voir là le signe d'un esprit de résistance à l’impérialisme centralisateur. Est-ce là ce qui chagrine Moscou ?
Pastorale, qui est un film totalement maîtrisé, inspiré, aux images noires et blanches bourrées de richesses qui n'ont rien de fallacieux, ne se contente pas ne nous parler de la Géorgie, de ses gars bagarreurs et de ses jeunes filles sagement romanesques. Iosseliani nous y livre aussi, toujours avec la même discrétion, une réflexion sur son travail de cinéaste.
En nous montrant, avec une pointe de mélancolie, qu’une petite communauté artistique (les musiciens d'un quatuor à cordes venus se mettre au vert pour répéter) peut s'accorder passagèrement à une population rurale, puiser de nouvelles forces auprès d'elle mais qu'elle lui demeure étrangère. Que deux cultures peuvent coexister pacifiquement, se livrer à des échanges fructueux mais qu'elles ne peuvent se fondre. L'homme des villes reste à la ville, l'homme des champs reste aux champs. On n’y peut rien. Beau sujet de méditation."
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