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Simon, psychologue dans le département des ressources humaines d'une grande entreprise va accepter de faire une enquête confidentielle sur le directeur général.
Paris, de nos jours : Simon, 40 ans, travaille comme psychologue au département des ressources humaines de la SC Farb, complexe pétrochimique, filiale d'une multinationale allemande, où il est plus particulièrement chargé de la sélection du personnel. Un jour, Karl Rose, le co-directeur demande à Simon de faire une enquête confidentielle sur le directeur général Mathias Jüst et de dresser un rapport sur son état mental. Ne pouvant pas se soustraire à la requête de Rose et ne voulant pas risquer de se mettre mal avec Jüst, Simon accepte, en se promettant de conduire une enquête discrète et de rendre un rapport le plus neutre possible...
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" La voix est métallique, le phrasé précis. Simon détaille ses fonctions. Il est psychologue, spécialisé dans cette matière première qu'on a
" La voix est métallique, le phrasé précis. Simon détaille ses fonctions. Il est psychologue, spécialisé dans cette matière première qu'on appelle les " ressources humaines ". Un technicien zélé, au service d'une grande entreprise franco-allemande, un rouage efficace dans la machine à contrôler, galvaniser, voire dégraisser les troupes. Manipulation, mode d'emploi. Tandis qu'il explique, de jeunes cadres hantent l'image, silhouettes noires et blêmes dans un décor d'une blancheur clinique, tels des corbeaux dans un laboratoire. Dès cette première scène, l'intention de Nicolas Klotz et de sa complice, la scénariste Elisabeth Perceval, apparaît clairement. Il s'agit, en adaptant assez fidèlement le récit de François Emmanuel, de dénoncer la broyeuse libérale, comme il avait été question de la condition des SDF dans Parias, et du sort réservé aux sans-papiers dans La Blessure, les deux premiers volets d'un triptyque sur la société contemporaine, fictions nourries d'enquêtes documentaires. Mais si ce film singulier est ouvertement politique, il creuse son sujet bien au-delà du pamphlet.
Simon, donc, excelle à repérer les maillons faibles de la chaîne de production, et à faciliter leur élimination. On lui confie une mission " délicate " : enquêter sur l'un des dirigeants, Mathias Jüst, dont le comportement dépressif devient préoccupant. C'est le début, pour le psychologue, d'une déchirante découverte de ses responsabilités, et, partant, de sa propre humanité. Car Mathias Jüst, comme Karl Rose, le directeur qui a commandé l'enquête, est, à proprement parler, un enfant du nazisme. C'est la pierre angulaire du film, le pivot d'une réflexion complexe sur les rapports entre le contexte socio-économique d'aujourd'hui et les aspects les plus sombres de l'histoire occidentale. En effet, au cours de son investigation, Simon reçoit d'un mystérieux correspondant une note de 1942 qui décrit avec une froide précision comment améliorer le rendement de l'extermination. Des mots vidés de leur effroyable substance, pour permettre l'obéissance et l'efficacité. Des mots qui font un troublant écho au langage " managérial " d'aujourd'hui, et au travail quotidien de Simon.
Il ne s'agit pourtant pas ici de confondre le libéralisme avec l'horreur nationale-socialiste, mais bien de donner à voir et à penser la manière glaçante dont l'idéologie d'aujourd'hui s'inscrit dans une continuité historique, et ce que nos sociétés portent en elles de violence organisée et anonyme. Etude du langage en tant que puissante arme idéologique et siège suprême du pouvoir, dans lequel l'homme n'est plus qu'une " unité ", une " pièce ", le film est le fascinant portrait d'un milieu. Mathieu Amalric, regard insondable, endosse avec intensité les tourments de ce cadre au départ si semblable aux autres, rivaux implacables partagés entre conformisme étroit et animalité viscérale. Michael Lonsdale et Jean-Pierre Kalfon, eux, incarnent les grands patrons avec une opacité jubilatoire.
Dans ce puzzle intrigant, thriller politique et psychologique fait de longues séquences tout en clairs-obscurs, chaque gros plan sur un corps, sur les éclats tranchants d'une " rave " ou la grisaille ouatée d'un bureau suggère un glissement du réel, à la limite de l'étrange. Une formidable expérience. "
" A peine le film commencé que tout semble déjà joué. Amalric trimballe sa silhouette de jeune cadre aseptisé dans les couloirs, d’une beaut
" A peine le film commencé que tout semble déjà joué. Amalric trimballe sa silhouette de jeune cadre aseptisé dans les couloirs, d’une beauté glaciale, de la SC Farb. Sa société, celle qui l’emploie. Veste noire et chemise blanche, l’armée des ombres est en marche. Il semblerait donc que Nicolas Klotz soit bien décidé à nous refaire le coup de l’aliénation des sociétés industrielles qui, de Dilinger est mort au Désert rouge est un inépuisable terreau d’inspiration pour le cinéma d’auteur européen. La danse de la mort engagée, tout se déroule pour le mieux. Et puis le basculement a lieu, imperceptible.
D’un discours efficace mais balisé sur le monde de l’entreprise (tendance "ton univers impitoyable"), La question humaine nous emmène beaucoup plus loin, en un de ces voyages cinématographiques dont on ne ressort pas tout à fait indemne. À l’image du système qu’il dénonce, le récit agit comme une mécanique de précision, à la fois implacable et discutable. La blessure, déjà, tirait sa force de cette rigueur théorique, cette éthique de la mise en scène qui exige que chaque plan, chaque déplacement, chaque détail soit réfléchi à l’avance. Une conscience de filmer, et de ce que ça implique, qui fait toute la différence entre le cinéma de poche, sorte d’artisanat fragile qu’il sont encore une poignée de cinéastes à pratiquer en France, et la production industrielle. Quand la machine fictionnelle se détraque, c’est l’imminence d’une catastrophe, omniprésente, qui semble planer sur les personnages. Sans doute le spectre de l’Histoire qui, tout à coup, contamine un Amalric de plus en plus lucide, de plus en plus faible. De plus en plus humain l’ex-petit soldat de la SC Farb dont les seuls moments de réconfort semblent être auprès de sa petite amie, une Laetitia Spigarelli éthérée. "Les amants réguliers" ou "la naissance de l’amour", on hésite entre les termes. Tout ce qu’on sait c’est qu’elle nous évoque les héroïnes de Garrel, jeunes filles irréelles dont elle à la "sauvage innocence". Chaque gros plan sur elle semble une capsule d’éternité.
Une seule scène parvient à atteindre cette (sur)charge émotionnelle : Londsale (royal en vieux vampire fatigué du monde des affaires) et Amalric y écoutent un enregistrement, dans une ambiance spectrale Le morceau ? La jeune fille et la mort de Schubert, sommet mélancolique. Quand le désespoir le plus profond laisse percer une beauté parfaite. La mort, elle, se matérialise par la tragédie de la Shoah qui, sans crier gare, s’immisce dans le film pour tout dévorer. Jusqu’à ce moment où notre héros récite, de sa voix blanche, une note technique de 1942 décrivant comment améliorer le rendement de camions destinés à gazer ses passagers juifs. Cette note, on se le rappelle, clôturait irrémédiablement la première partie de Shoah, le documentaire-somme de Claude Lanzmann. Tout un symbole. Le message est clair : nazisme ou capitalisme, le procédé est identique. Rationaliser et segmenter à l’extrême, pour ne jamais avoir à nommer ce que l’on fait. Ne pas appeler un homme un homme. Une "unité", à la rigueur. "
" Ce n’est pas tous les jours que l’on voit des films aussi puissants, retors, fascinants, malaisants, traversés de zones d’ombres et de my
" Ce n’est pas tous les jours que l’on voit des films aussi puissants, retors, fascinants, malaisants, traversés de zones d’ombres et de mystères, qui vous hantent longtemps après la projection, brassent en vous un somme de questions et d’interrogations, remuent vos tripes, votre conscience et votre mémoire, et dont la polysémie échappe aux lectures simplistes ou univoques. Comment définir un tel objet ? Une critique de la culture d’entreprise contemporaine ? Une méditation sur l’Histoire ? Un essai philosophique en images et sons ? Un film de fantômes ? Une réactivation contemporaine de l’expressionnisme ? Un mix de Jacques Tourneur et Giorgio Agamben ? Un cousin lointain de La Sentinelle de Desplechin ? Un tour de magie noire sur le mystère chimique de la présence d’acteurs tous aussi géniaux et singuliers les uns que les autres ? Un film enquête qui implose en cours de route ? Sans doute un peu tout cela…
Adapté du livre de François Emmanuel, La Question humaine commence par un récit en voix off, celui de Simon, psychologue au service des ressources humaines d’une multinationale allemande : un jour, son supérieur hiérarchique lui commande un rapport interne ultraconfidentiel au sujet de du PDG de la société qui semble souffrir de troubles comportementaux d’origine mystérieuse. Parallèlement à cet aspect polar dans le monde de l’entreprise, on assiste à des scènes de la vie nocturne de Simon, comme une sorte de portrait de groupe de la jeunesse libérale contemporaine, un univers de rivalité masculine, d’érotisme et d’agressivité, d’alcool, de dope et de musique techno. A l’ambiance feutrée et pressurisée de l’entreprise s’oppose le monde pulsionnel et débridé de la nuit, mais une même atmosphère poisseuse de violence sourde, de guerre latente, règne des deux côtés de ce milieu de jeunes cadres conquérants.
En avançant dans son enquête, Simon ne va pas progresser et s’acheminer vers une conclusion, mais au contraire patauger et se perdre. Il va rencontrer les fantômes de l’Histoire, et particulièrement une note technique rédigée en 1942 par des ingénieurs nazis et destinée à améliorer le rendement des camions à gaz qui préfigurèrent les chambres à gaz. Ce document fissure la carapace de Simon, le renvoie à l’inhumanité de son propre travail, fait imploser son enquête et tous ses repères, ainsi que la dramaturgie et les codes jusque-là relativement classiques du film.
Mais avant de rencontrer ce document, des signes de la présence spectrale de l’Histoire et d’Auschwitz étaient disséminés dans toutes les zones du film : les chiffres du générique, le nom de l’entreprise (SG Farb), les plans muets de l’usine toutes cheminées fumantes… On touche là au point le plus central, sensible (et éventuellement sujet à polémique) du film : les échos qu’il fait résonner entre le nazisme et le libéralisme, entre Auschwitz et le rationalisme économique moderne. Bien que ces liens soient analysés dans un vaste corpus d’ouvrages, ils ne vont pas de soi et font violence au sens commun. Disons juste ici que Klotz et son film, pas plus que François Emmanuel et son livre, n’affirment que le libéralisme et le nazisme sont équivalents. Ils s’attachent plus simplement et plus finement à en pointer les ressemblances paradigmatiques (l’organisation bureaucratique, les euphémismes langagiers, un certain mépris de l’humain…), la consanguinité historique. Même si la shoah est terminée depuis soixante ans, l’ère industrielle moderne qui l’a engendrée est toujours la nôtre, et les vapeurs du crime hitlérien continuent d’imprégner notre époque et nos consciences, comme un trauma enfantin travaille inconsciemment un adulte, comme une lumière-fossile continue de briller après son extinction.
Il serait toutefois erroné de réduire La Question humaine à ce " grand sujet ", d’imaginer que ce serait un film à thèse. D’abord parce que rien n’y est bouclé, ni le récit, ni le sens. La fin, extraordinaire, reste complètement ouverte, et tous les personnages ainsi que l’histoire conservent jusqu’au bout leur part de mystère irréductible. Et puis La Question humaine est un film plutôt qu’un essai, qui utilise toutes les ressources cinématographiques de l’indicible et du caché, dont les zones d’ombres scénaristiques et plastiques font aussi apparaître les fantômes de l’histoire du cinéma, de l’expressionnisme inquiet de Lang aux dangers tapis dans les ténèbres de Tourneur. La Question humaine nous fait réfléchir sur notre Histoire et notre époque, appelle le débat, mais c’est avant tout un superbe cauchemar éveillé. "
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